Récit de mon accouchement physiologique

Découvrez ici le récit de mon accouchement physiologique en plateau technique, où j’ai accouché dans l’eau !

Une semaine s’est écoulée depuis l’un des plus grands jours de ma vie, si ce n’est le plus beau. Après plusieurs mois d’une grossesse en conscience, où mon conjoint et moi avons élaboré notre projet d’enfantement en plateau technique, l’expérience m’a menée à la découverte de ma puissance absolue. Puissance de femme, puissance de mère.

une grossesse en conscience

Accoucher, aujourd’hui

Je reviens tout d’abord sur le déroulement de ma grossesse, qui prend une grande part dans le déroulement de la naissance de ma fille. Il s’agit de ma troisième grossesse, que j’ai choisie de vivre bien différemment des deux premières. J’ai compris, enfin, que notre façon de faire naître et accoucher les femmes en Occident, ne répond pas aux besoins naturels de la femme, de son bébé et de sa famille. 

Nous parlons d’ « accoucher », un terme patriarcal qui a été adopté au 17ème siècle pour définir le processus de la mise au monde, synonyme de « se coucher ». Et depuis tout ce temps, de nombreux érudits, scientifiques ou philosophes, se battent pour dénoncer le côté absurde de coller les deux définitions « se coucher » et « donner la vie ». D’ailleurs, lorsqu’une femme enfante, en suivant son vortex de manière physiologique, elle a envie de tout sauf de s’allonger (excepté parfois lors de la phase de quiétude, avant d’avoir envie de pousser) : enfanter nécessite gravité et mouvement. Vous verrez d’ailleurs par la suite qu’il était impossible de faire autrement pour moi…

Mais aujourd’hui, la médicalisation des naissances est devenue la norme, au point où vouloir donner naissance naturellement nous vaut d’être taxée de farfelue, d’illuminée, de marginale. 🤔🤷🏼‍♀️
Alors, j’ai dû me battre pour mener mon projet. Cela n’a pas été simple de trouver la ou les professionnels disponibles pour m’accompagner dans ma volonté. Les sages-femmes qui osent encore accompagner l’accouchement à domicile sont vivement découragées à continuer, « grâce » à une fine politique d’assurance exorbitante. 

Les femmes sages sur mon chemin

J’ai eu l’immense chance de croiser sur mon chemin, alors que je commençais à désespérer, deux fabuleuses sages-femmes qui accompagnent l’enfantement en plateau technique dans une petite maternité à 45 minutes de chez moi. Lors de mes deux grossesses précédentes, j’ai été étiquetée « à risque » de « MAP » (menace d’accompagnement prématuré) car mon col était court. 

Je vous laisse imaginer la cascade d’interventions que j’ai subie à cause de ce facteur de risque : alitement, traitement chimique anti contractions, monitoring très fréquents (ce qui me demandait de me déplacer à la maternité chaque semaine alors que j’avais pour consigne de rester allongée… cherchez l’erreur) et surtout, une importante perte de confiance en moi, en mon corps et en ma capacité de donner naissance, ce qui est par définition ce que la femme est sensée savoir faire depuis que le monde est monde. 

Mes rapports avec le corps médical étaient très infantilisants, mon corps était une menace pour mon bébé. Néanmoins, j’ai accouché à terme pour mes deux grossesses, avec en prime un déclenchement la veille du terme pour ma BB2, car « vous comprenez, l’équipe est au complet aujourd’hui, demain on sera moins, et il y aura peut-être plus de femmes à venir accoucher, au moins vous serez tranquille aujourd’hui » et oui, j’ai cédé…

En contactant les deux sages-femmes en juin dernier, je n’avais qu’un minime espoir qu’elles acceptent de m’accompagner au vu de mes antécédents. Mais dès notre premier échange, pour elles il n’y avait visiblement aucune contre-indication à ce que j’accouche naturellement : jusqu’à preuve du contraire mes enfants étaient nés à terme, un mois après ma fin d’alitement, en parfaite santé et moi avec, donc objectivement j’étais capable de mener une grossesse sans problème. 

Waouh, j’ai découvert à ce moment là que finalement, j’avais tout ce qu’il faut ! Juste un col un peu « confortable » et mou, mais tout à fait apte à faire naître mon bébé dans les temps. Ça fait vraiment du bien de le savoir.

Ces deux perles m’ont permis de restaurer la confiance dans mon corps, on été d’une grande écoute, ont été très respectueuses lors de leurs examens médicaux (je n’ai eu qu’un toucher du col à ma demande). J’ai suivi une riche préparation à la naissance auprès d’elles axée sur l’accompagnement de la douleur, la capacité de détente entre les contractions, la participation du papa… 

J’ai aussi profité de ma formation d’accompagnante périnatale suivie en 2018 avec toutes les connaissances qu’elle a pu m’apporter, puis j’ai beaucoup lu, et enfin j’ai eu l’honneur de rencontrer Karine la Sage femme lors d’une formation de 3 jours, quelques semaines avant que ma fille naisse. Cette femme incroyable se bat au quotidien pour semer des graines de conscience quant à l’urgence de restaurer un processus d’enfantement au plus proche de ce que la nature a créé, pour les femmes qui le peuvent (soit une immense majorité !) à l’heure où la surmédicalisation a atteint son apogée et aussi ses limites, créant objectivement plus de morbidité et de mortalité maternelle et infantile qu’elle n’en éradique ! 

Et, cerise sur le gâteau, mes deux perles de sages-femmes ont aussi participé au séminaire de Karine la semaine suivante ! Nous étions donc ultra prêtes pour vivre une naissance quantique, connectées aux mêmes ondes.

Une embarcation surprenante…

Grâce à ce cocktail de bienveillance, mon embarcation vers la naissance de mon bébé s’est opérée presque en silence, dans la plus grande logique… Lors du neuvième mois je n’ai pas eu de contractions douloureuses, mais je savais que mon corps commençait à s’ouvrir tranquillement. J’en étais contente et j’avais pleine confiance quant au déroulement des événements. 

Nous avons beaucoup traîné, Jérémie et moi, à finaliser les préparatifs des valises et la gestion des aînées… Nous étions confiants sur le fait que ça se déroulerait bien pour nous.

 
Vendredi 4 octobre, avant-veille de mon terme, toujours aucune contraction douloureuse, pas de signe de bébé imminent. Je suis depuis quelques jours très partagée entre la hâte d’enfin rencontrer notre merveille 💜 et la peur de quitter cet état de grossesse, hors du temps, hors de la vie autour, peur de ne plus porter la vie et de pouvoir la protéger. 

Nous passons une soirée banale, en amoureux. nous avons confié les deux grandes sœurs pour le week-end, en sachant qu’il était probable que bébé arrive à ce moment !

Puis la nuit se passe, fidèle aux précédentes (réveils fréquents pour vessie pleine et remontées acides, la base !) et, 6h10, une contraction violente m’extirpe de mon sommeil ! Une puissance aussi soudaine que surprenante ! Je file aux toilettes et me vide. 

Contraction suivante dans la foulée, je comprends que Ça y est. Les contractions s’enchaînent, je tente les mouvements sur le ballon, mais je ne tiens pas. Je décide d’aller prendre une douche chaude, aucun soulagement en vue non plus ! 

Jérémie comprend ce qu’il se passe quand il voit l’heure et entend le jet d’eau. Il se lève un peu en catastrophe et en me voyant, me propose d’appeler la sage-femme d’astreinte, ce que je valide tant bien que mal ! J’ai le souvenir d’avoir eu une pensée pour elle, en me disant qu’elle avait pu dormir une nuit presque entière, j’étais assez contente pour elle. 

Se découvrir animale

Comme j’étais plutôt silencieuse et que ça ne faisait que 15 minutes que j’avais des contractions, j’ai compris qu’elle cuisinait un peu Jérémie au téléphone, pour savoir si vraiment le travail avait démarré (beaucoup beaucoup de femmes appellent leur sage-femme trop tôt !) mais je savais que ce n’était pas mon cas. 

Je n’arrivais presque pas à parler, et au-delà de la sensation douloureuse, je me sentais m’ouvrir, et ça ça m’était encore inconnu, ayant vécu deux accouchements avec péridurale.
Elle nous fait confiance, et part à la maternité. Jérémie charge la voiture des quelques bagages prévus, puis nous filons à l’hôpital la rejoindre. Comme je le redoutais, le trajet fut assez difficile, Jérémie a dû trouver un équilibre entre rouler assez rapidement et ne pas trop me secouer dans les rond points ! Heureusement à cette heure-là, un samedi, peu de trafic et encore moins de tracteurs pour nous ralentir !

Nous arrivons à l’hôpital à 7h20, je profite des temps de pauses entre les contractions, qui se comptent en secondes, pour aller jusqu’au service maternité. Jérémie s’occupe du bagage et appelle la sage-femme. Me voilà pliée au sol, grommelante, quand une vision divine apparaît : celle de ma sage-femme, souriante, calme, qui m’invite à rejoindre la Salle nature 😍 comme je bénis ce moment. 

Sa présence me sécurise, je comprends que ça va aller. J’arrive dans la salle où règne calme et pénombre… un bain chaud m’attend. Ni une ni deux, j’enlève les vêtements que j’ai enfilés à la hâte avant de partir (j’en ai même oublié ma culotte !) et je file dans la baignoire. L’eau me fait un grand bien, Jérémie me passe le jet dans le bas du dos, ma sage-femme me passe la zone du bassin. Elle comprend qu’il est à ce stade impossible de m’examiner de quelque sorte que ce soit. Je suis littéralement incapable de sortir de la baignoire ! 

Toujours confiante, elle me laisse un peu seule avec Jérémie. L’effet de la chaleur et de l’eau accélère encore les contractions, je suis prise de sensations totalement inédites et bien que j’ai été extrêmement bien préparée, je constate qu’il faut le vivre dans ses chairs pour comprendre. 

Avec le recul, je suis assez fière de moi, car malgré la sensation douloureuse et ultra puissante, complètement animale, j’ai réussi à plonger dedans, à accepter de me laisser ouvrir comme jamais j’ai pu le vivre alors, et comme jamais plus ça ne sera possible. Je me laisse fragmenter sans retenue malgré la peur. De toute façon, je ne peux pas faire autrement : c’est mon corps qui décide, je ne maîtrise plus rien ! je suis devenue animale !

J’ai envie de pousser. C’est viscéral. Je sens que mon rectum n’est pas vide, eh oui j’appréhende de me vider devant mon conjoint ! Je l’avertis, je vais me « ch*** » dessus ! Sors si tu veux parce que de toute façon ça va sortir, je suis incapable d’aller aux toilettes ! 

Le courageux n’hésite pas une seconde et reste à mes côtes malgré tout. Les poussées sont violentes, mais peu douloureuses. Je sens que j’ai franchi une autre étape, je suis ouverte, maintenant bébé va descendre.

Je suis à genoux dans l’eau, ma sage-femme tente de nettoyer la baignoire (métier ingrat parfois 😄) et me demande si je sens la tête. Je touche, Oui Oui mon bébé est juste là ! C’est fou ! Cela me donne encore plus de courage, je suis pleine d’adrénaline et la poussée suivante, je sens bébé qui avance. 

Pendant la pause, je le sens bouger sa tête dans mon périnée ! La sensation est très étrange, et c’est véritablement là que je comprends que c’est bel et bien un vrai humain que je vais mettre au monde là ! Poussée suivante, je sens que la tête de mon bébé est sortie de mon corps. Puis dans la foulée, une dernière poussée, et je sens son corps tout entier glisser au fond de l’eau….
Le temps s’est arrêté. 

J’attrape ma merveille et la colle contre moi. je retrouve vite mes esprits , ça y est mon bébé est né ! 7h47… 

Après la tempête, un accueil en douceur, inscrit dans le continuum

Jérémie a plus de mal à réaliser que moi. Il faut dire que tout s’est déroulé très vite, dans l’eau et presque dans le noir. Après lui avoir parlé d’heures de contractions, de dilatation, de latence, de phase de désespérance, il s’attendait à ce que le processus prenne plus de temps ! 

Le sentant un peu largué, notre sage-femme, après avoir témoigné que tout allait bien, en retrait, me signifie qu’elle va nous laisser un peu tous les 3 en intimité. Nous voilà, à contempler notre œuvre, ou plutôt celle de la Création. Jérémie vérifie assez rapidement si son corps est « normal », et puis regarde entre les jambes : c’est une fille ! 

Je n’ai pas eu le réflexe de regarder. J’étais juste en train de tomber amoureuse de cet enfant, quel qu’il soit, c’était lui ! Je découvrais de manière concrète celui/celle dont j’avais tant rêvé, que je chérissais tant depuis des mois ! J’accueillais l’incarnation de cet être qui m’avait choisie comme vaisseau, comme canal de vie.

J’ai tout de suite veillé à ce que sa transition soit aussi douce et aussi simple que possible, tout en cherchant mon homme du regard. J’avais besoin de sentir sa présence rassurante auprès de nous. Nous démarrions notre tissage. Et puis, je m’en fichais que ce soit une fille ou un garçon. C’était beau. Si loin du monde qui pourtant continue de tourner. 

Quelques minutes plus tard, alors que notre sage-femme fait son retour, je sens des contractions qui reviennent. Mon bébé étant au sein, je décide de sortir de la baignoire pour m’allonger sur la banquette avec mon homme et ma fille. J’ai donné naissance au placenta assez difficilement, car comme nous étions allongés, je n’ai pas été aidée de la gravité. 

Mais comme bébé était bien au sein, j’ai pris le temps et avec un petit coup de main de la sage-femme, j’ai pu sortir ce « jumeau » de mon bébé moi-même. Je ne me souviens que vaguement de la suite, je me suis laissée atterrir avec toute la douceur que les personnes autour de moi et le lieu dans lequel j’étais ont pu m’offrir.

On a partagé du chocolat tous les 3, nous avons dit au revoir aux annexes de mon bébé au bout d’environ 2 heures. En pleine conscience et gratitude pour tout le travail que ces organes éphémères ont pu fournir pour permettre la Vie. J’ai pu profiter d’un serrage du bassin, puis nous sommes allés à notre chambre où nous avons séjourné une nuit.

 

Et après… le tissage

Aujourd’hui, une semaine après, je suis encore ultra connectée à ce tourbillon de vie. Le temps est suspendu, rien n’est banal, je sens que ma vie est en pleine transformation. Il est évident que cette naissance est profondément, radicalement différente des précédentes. BB1 : on m’a accouchée. BB2 : j’ai accouché. BB3 : j’ai enfanté. « Dar a luz », donner la lumière en espagnol, voilà ce que j’ai fait. 

Bien que merveilleuse, l’occasion de vivre une telle expérience n’est pas simple, sur les plans psychique, émotionnel et spirituel. Je m’interroge beaucoup sur les conséquences de la naissance sur le reste de la vie, sur les relations futures entre l’enfant et sa mère, entre l’enfant et son entourage, entre l’enfant et la vie. 

Je m’interroge sur l’absurdité de continuer à appliquer des protocoles médicaux sur un processus totalement normal et intime. Je me demande comment être la meilleure maman possible pour ce bébé magnifique. 

Comment continuer à être une bonne maman pour les aînées. Je me demande comment je vais faire quand mon chéri aura repris le travail et qu’il faudra gérer les enfants, la maison, les trajets à l’école, les papiers, les devoirs, les repas, rester sociable et souriante, propre et organisée, alors que j’ai juste envie de rester dans mon lit avec mon bébé, à l’allaiter et le sniffer. Je vous assure qu’il y a de quoi avoir le vertige et des larmes.

Je voudrais que ce temps dure toute la vie, ce temps où je découvre ce bébé qui m’a choisie, nous a choisis pour naître, ici et maintenant. Je voudrais qu’elle garde toute sa vie son odeur de bébé pas encore né. son regard si intense qu’il me fait pleurer à chaque fois que je le croise. Cette décharge d’ocytocine quand elle tète mon sein.

On n’a vraiment besoin de rien dans ces moments…juste de belles personnes qui nous aident à manger, boire, nous relayer pour les aînés, la maison, et surtout qui nous assurent que ça va aller.

 

update… un an après

A l’heure où j’ai enregistré l’épisode de podcast, ça fait pile 1 an que Victoire est née… J’ai grand plaisir à vous partager mon vécu avec 12 mois de recul et de tissage !

Pour celles et ceux qui souhaitent connaître la suite, Victoire se porte à merveille et toute la famille aussi. Mon postpartum a été intense, avec deux aînées… Mais fluide quand même, car nous avons bien anticipé (merci Le Mois d’Or !)

Nous vivons un maternage très proximal, instinctif, et c’est vraiment plus simple ainsi. Concrètement, nous dormons ensemble, pratiquons la DME (en gros, au lieu de proposer des textures liquides et des purées au bébé, on introduit directement des morceaux, et c’est le bébé qui se nourrit en autonomie) pour cela je me suis formée afin de terrasser toutes mes croyances limitantes et mes peurs liées à l’étouffement ! Je porte (beeeeaucoup) Victoire en écharpe, en bref… Je lui fais confiance et nous nous faisons tous confiance dans cette nouvelle route à 5 !

⇒ Pour comprendre le fonctionnement d’un accompagnement global avec naissance en plateau technique, lisez mon article dédié.

⇒ Si vous habitez en Bretagne sud / 35 / 44 et que le projet d’un accouchement en plateau technique vous tiendrait à cœur, vous pouvez me contacter en MP et je vous transmettrai les coordonnées des sages-femmes qui m’ont suivie !

⇒ Si le nouveau vocabulaire de la naissance (embarcation, quiétude, tissage…) ne vous parle pas encore, découvrez sans plus attendre le nouveau langage de la mise au monde.